Apaisement de façade
C'est le message du maire d'une commune Grand Doloise qui m'a averti vers 17h00, ainsi que mes collègues de l'opposition, de l'appel de l'association des maires de France à se rassembler devant les mairies le lendemain à midi. La page Facebook de la ville de Dole résumera par la suite cet appel sous le slogan "soutenir les victimes, les élus et les forces de l'ordre", faisant l'impasse des revendications de l'AMF. Je suis allé voir ma "boîte mail d'élu" gérée par Google, pensant qu'une invitation à cet événement "apartisan" s'y trouverait, mais non! Ou plutôt, pas encore, il a fallu laisser passer la nuit pour qu'elle arrive. Reçue à 7h44 le jour même du rassemblement, et parlant "de demain 12h00", celle-ci a dû se perdre quelque part entre Dole et la Silicon Valley avant d'y revenir.
Lors d'un rendez-vous professionnel quelques heures avant la manifestation, j'ai échangé avec un ancien habitant des Mesnils-Pasteur, quartier touché par des affrontements. Ses parents âgés y vivaient toujours et il m’a confié son inquiétude pour eux et pour la jeunesse recluse dans son désespoir et sa violence.
Avant de me rendre sur les lieux, j'avais fait une affichette en bristol: "Nous voulons la justice, pas la vengeance". Je pensais que cet appel à la raison, aux dispositions de la vie en collectivité que représente la justice, serait partagé, mais ce n'était visiblement pas le cas d'un éminent représentant du Grand Dole qui est devenu plus rouge que d'habitude: "Il faut que vous fassiez de la récupération, il faut attiser, faire voter Front National!". Après un moment de sidération me laissant sans mot, je me suis dit que ce discours décousu était l'expression d'une contrariété sans rapport avec le fond du texte. Son a priori politique lui faisait peut-être penser que je n'avais pas ma place dans ce rassemblement "pour soutenir les victimes, les élus et les forces de l'ordre".
Le seul panneau présent dans la foule était un grand support blanc avec au centre un "merci" disproportionnément petit et d'autres mots autour encore plus illisibles. Je ne sais donc pas si cette personne, apparemment peu habituée aux manifestations, adressait ses remerciements aux policiers, aux pompiers, aux élus ou à d'autres.
Le parvis de la mairie recevait "au moins 300 personnes" selon moi, "300" selon la presse. D'après les différentes modifications de la page Facebook de la ville, le nombre de participants était d' "environ 500" à 13h05, "plus de 400" à 13h54, et "près de 500" à 14h34.
Le maire a rappelé la démarche de l'AMF et évoqué les troubles locaux, les risques encourus par les forces de l'ordre et les pompiers face à des mineurs mal éduqués et à des agitateurs plus âgés qui les affrontaient aux Mesnils-Pasteur sans parfois même résider dans le quartier.
Le préfet a parlé des moyens financiers de l'Etat et des collectivités locales qui avaient donné au quartier un cadre de vie agréable, et de ceux qui gâchent tout en quelques nuits. Des moyens sont mis effectivement, mais présenter le lieu à la manière d'une destination touristique, était un peu surjoué.
Comme à chaque intervention ou presque, la députée a voulu rappeler sa qualité de parlementaire en témoignant de ce qu'elle vit à l'assemblée nationale, quand elle y est. Comparant les quartiers sensibles au palais Bourbon (!), elle a comparé les émeutiers, minoritaires dans la population, à une minorité qui met la pagaille à l’Assemblée nationale. L'appel à "faire nation", la démarche transpartisane, n'ont même pas tenu le temps du discours. Est-ce l'immunité parlementaire ou le port du micro qui dispense d'être accusé de "faire de la récupération" ?
À propos de l'auteur(e) :
Nicolas Gomet
Scientifique polyvalent et explorateur des institutions locales.
Élu écologiste au conseil municipal de Dole
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