Cachez ces pauvres que je ne saurais voir

Publié le 08/12/2023 à 16:26 | Écrit par Christophe Martin | Temps de lecture : 03m09s

Voici deux rendez-vous à Dole à six jours d’intervalle qui traitent de la pauvreté de manière sensiblement différente. Histoire et littérature d’un côté, philosophie et sociologie de l’autre.

L’année dernière, l’atelier théâtre de l’Escale emmené par le pétillant Jacques Pithioud, comédien et metteur en scène du Strapontin Théâtre, avait redonné vie aux ouvrières de chez Moulinex dans les anciens locaux d’Idéal Standard. Cette année, c’est à nouveau des femmes à qui on va redonner de la voix avec l’évocation d’un évènement historique et social qu’on appelle «Le grand renfermement ». C’est une formule inventée par Michel Foucault en 1961 dans son Histoire de la folie à l’âge classique, afin de caractériser la politique royale au XVIIème siècle, répressive sous couvert de charité, à l’endroit des mendiants et des marginaux. Pour Foucault, c’est la création de l’Hôpital Général en 1656 qui marque le début de ce processus de contrôle social des populations déclassées.  

A l’heure où on a viré les migrants de Paris pour les JO et alors que les SDF vont être priés de dégager pour ne pas être sur la photo de propagande, c’est une bonne idée de rappeler cet évènement pas très reluisant pour la mémoire de Louis XIV qu’on va encore mettre à l’honneur avec l’accueil à Versailles des compétitions de canassons pomponnés. La pièce qui s’intitule « Silences » s’inscrit dans le travail de l’atelier théâtre de l’Escale (10 femmes et un seul homme, mais quel homme!) est assez gonflée de par son thème sur lequel Jacques Pithioud écrit: « Des femmes, des hommes, des enfants par centaines, par milliers emmenés, sur décret du Roi Soleil, à l'Hôpital général ; c'est le « grand renfermement », on ne veut plus voir les pauvres, on ne veut plus voir la misère, il faut assainir la ville le pays tout entier, il faut sauver les mendiants du vice, de l’oisiveté, de l’impiété, il faut les sauver du crime, de la damnation. Alors un seul remède : leur inculquer la foi chrétienne, leur inculquer le travail. » Le 14 mai 1657 à l’aube, les hommes sont amenés de force à Bicêtre, les femmes, les filles, les enfants à la Salpêtrière. Bref, on met les marginaux et les mendiants derrière les murs. A Dole, ce sera la Charité qui accueillera les pauvres hères que de bonnes âmes vont faire trimer pour des salaires de misère. On se croirait revenu au temps de Macron, Darmanin et Le Maire, les pourfendeurs de fainéants au RSA et les gommeurs de chômeurs. Ce n’est tout de même pas un spectacle trop plombant: Villon, Prévert, Siméon, Tardieu, et même Mozart sont annoncés sur le programme: ça apportera un peu de légèreté à l’ensemble. Et c’est gratuit. 

« Silences », salle des Commards, samedi 9 décembre, 20h00 et dimanche 10 décembre, 14h30, gratuit, renseignements: 03 84 82 34 84

Six jours plus tard, dans le cadre d’Étoffe de Philosophe, notre penseur hégélo-marxiste maison Stéphane Haslé et deux étudiants en philo de haut vol, Mathéis Nelle et Anthony Monnot, proposent de réfléchir sur les effets de l'écart gigantesque entre riches et pauvres aujourd’hui. Les différences de modes de vie, de moyens financiers, de rapports au monde, ne mettent-elles pas en question l'unité de l'humanité? Quoi de commun entre le multimilliardaire vivant sur son yacht, voyageant en jet privé et habitant des palaces dans les lieux les plus magnifiques et les démunis sans ressources de notre planète, qui voyagent à dos de yacht et sont privés de jet d’eau pour se doucher ou même se rincer le cul? Chaque intervenant va y aller de sa présentation et ça sera intéressant d’écouter ce qu’ils ont à dire sur le sujet qui est tout de même un sacré marronnier en matière de réflexion sociale. On s’ra là, on s’ra là, moins on veut nous voir, plus on s’ra là, rendez-vous à la MJC, vendredi 15 décembre, à 19h00, l’entrée est libre et la sortie aussi. C’est gratuit et on peut se rendre ensuite à la soirée de la Bobine. Yeeeaaah! 

 




À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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