Mode sombre

Le mardi 23 janvier 2024, Les écologistes/Europe écologie/Les verts (LEEELV) recevait son élu Éric Piolle, Maire de Grenoble, pour une soirée-débat sur le thème « Quelles pratiques pour une écologie populaire à Grenoble ? »

Pour lever l’ambiguïté qui pèse sur l’expression « écologie populaire », précisons qu’il faut la comprendre comme contraire de « écologie impopulaire », et non dans le sens de « pratiques et cultures populaires écologiques », comme l’entend Paul Ariès, par exemple. Après de brèves interventions de militants et d’élus écologistes dolois, Éric Piolle a rapidement fait part son expérience en tant que maire LEEELV de la onzième ville de France (160 000 habitants, 450 000 en comptant toute l’agglomération) ainsi que de sa vision de l’écologie politique au XXIème siècle. Le Béarnais d’origine, ancien cadre dirigeant chez Hewlett-Packard, reconnaît ouvertement ne pas être écolo à la base et avoir rejoint les Verts par déception du PS.

Parmi les mesures prises à Grenoble : diminution de ses indemnités de maire de 25 %, piétonisation, zones 30 km/h en ville, interdiction de la pub… Malgré l’hostilité de la part d’une partie de la population (les commerçants, notamment), il tient bon, même face aux menaces, considérant que les gens sont souvent « contre avant, et pour après ». Il considère que cette attitude améliore l’image des écolos, qui doivent se montrer sérieux, travailleurs, courageux, experts, ayant le sens de l’intérêt général… Mais surtout pas contestataires, la culture du contre-pouvoir associée aux écolos étant, selon lui, la cause du maintien d’une certaine hostilité à leur encontre.

Le grenoblois se revendique « radical et pragmatique ». Il critique le développement durable qui finit toujours par faire primer l’économie sur tout le reste. Il affirme que la sortie du consumérisme est nécessaire. Il pense que la droite ne porte pas l’étendard du Capital mais se laisse porter par le système et n’anticipe rien.

Il assume d’incarner le pouvoir politique. Raille les « discours de losers » du type « on est tous égaux ». Considère qu’il n’a pas à justifier ses décisions, tout en affirmant qu’il faut créer une culture de négociation. Base sa politique sur trois axes : la sécurité au sens large (santé, habitat…), « faire société », et « nourrir le désir de sens ». Parle de « conduite de changement », de « cycle d’acceptation des populations », de « passer de l’envie au désir, puis du désir au plaisir ».

Qui a vécu l’enfer managérial n’aura pas été dépaysé.

Lors des échanges avec la salle, il tacle Jancovici. Le décrit comme un « productiviste collapsologue ». L’accuse de mauvaise foi sur les énergies renouvelables. Dénonce (à tort) le fait qu’il refuse tout débat. Le moque en le présentant comme un pur ingénieur qui ne peut séduire que des ingénieurs avec une logique d’ingénieur : « un problème, une solution ». Éric Piolle est lui aussi ingénieur de formation. Mais lui a ce petit plus des grands managers : il sait guider le troupeau. Pour lui, la démocratie n’est apparemment pas une valeur en soi : c’est juste un outil d’ingénierie du consentement.

La soirée est conclue par un résumé de notre ex-ministre Dominique Voynet, visiblement conquise (ou déjà acquise) par le discours du grenoblois.

Une soirée intéressante. Qui permet d’avoir d’Éric Piolle une image moins fadasse, et certainement plus juste. Qui permet aussi de s’interroger sur une question légitime : la plèbe est-elle un obstacle à la mise en place de politiques écologiques ? Et le cas échéant, faut-il la manipuler pour lever cet obstacle ?

Au vu des discours effarants d’une partie de la population, on peut se dire que son approche « pragmatique » est la bonne. Reste à savoir si le principal obstacle à l’écologie est la plèbe… ou le capitalisme.

Tintin 21.


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