Mon rêve : devenir député européen
Je crois que je fais partie des 0,42 %* de Français qui se passionnent pour les élections européennes. Déjà, c’est un scrutin avec énormément de candidats. En 2019, on a battu un record avec 34 listes déposées. Et forcément, il y en avait pour tous les goûts : s’il y a bien sûr les mastodontes que tout le monde connaît (la France insoumise, le RN, le PS…), il y a surtout une flopée de partis groupusculaires. Et moi les groupuscules ça m’amuse. Il y a 5 ans, on avait par exemple le « Parti révolutionnaire communiste » (0,01 % des voix), « Une France royale au cœur de l'Europe » (0,01 % des voix) ou encore « Neutre et actif » (toujours 0,01 % des voix). À côté de ça, Lutte Ouvrière faisait figure de poids lourd politique avec ses 0,78 %.
En fait, je vais vous faire une confidence, je rêve de devenir député européen. Pour moi c’est la planque ultime. Déjà, avec une indemnité de base d’environ 7300 € net par mois on peut dire que ça paye super bien. Surtout qu’à ça viennent s’ajouter plusieurs indemnités :
- 4 800 € pour couvrir les dépenses de bureau, loyer, ordinateurs et autres fournitures,
- 4700 € de « frais supplémentaires » (sic) consacrés aux dépenses effectuées à l'extérieur du pays d'origine du député,
- 338 € d’« indemnité journalière » dédiés aux frais de logement pour chaque jour passé à Bruxelles ou à Strasbourg (donc 1 216 € par mois en moyenne pour les plus assidus). La soupe est bonne.
Mais ce n’est pas fini, car le Parlement européen prend aussi en charge les déplacements des députés jusqu’au siège du Parlement (en première classe bien sûr, ils vont quand même pas se mélanger à la plèbe) et ils disposent encore d’une enveloppe mensuelle de 21 209 € pour rémunérer jusqu’à 3 assistants parlementaires.
Et lorsqu’un député quitte le Parlement européen, ce n’est toujours pas fini, il y a encore du pognon qui tombe ! En effet, à la fin de leur mandat, les députés au Parlement européen ont droit à une « indemnité transitoire », équivalente à un mois d’indemnité par année d’exercice du mandat pendant une période maximale de deux ans. Pour être plus clair, un député européen qui aurait été élu pendant 10 ans aura droit à 8000 € par mois pendant 10 mois à la fin de son mandat**.
Cependant, une bonne rémunération ne suffit pas pour définir une bonne planque ; il faut encore que tu puisses ne rien foutre sans que personne ne s’en inquiète. Et justement le mandat de député européen est idéal pour ça. Tu peux littéralement ne rien branler sans que ça n’ait la moindre incidence. Dans le pire des cas, on peut t’amputer 50 % de tes indemnités si tu ne te rends pas à au moins la moitié des séances plénières, donc faut vraiment le faire exprès (et après on nous parle de responsabilisation des chômeurs, mais bon, c’est un autre sujet…).
Autre point intéressant : avant 2019 il y avait des circonscriptions régionales, donc quand on voulait solliciter un député européen, on pouvait plus ou moins en trouver un de son coin. Mais, bonne nouvelle, les circonscriptions, c’est fini. On a maintenant des listes nationales et les députés ne sont donc plus rattachés à une région. Ce qui veut dire que quand t’es élu, t’es noyé dans la masse des 79 députés européens français et il y a peu de chance qu’on viennent te demander des comptes.
Enfin, même si tu sers à rien (on reviendra sur l’inutilité du parlement européen dans un prochain épisode), t’as le prestige de la fonction : « tu vois, Pamela, moi, je suis député européen et l’Europe, c’est la paix, donc si je n’étais pas là, il y aurait la guerre. Tu te rends compte ? ».
Et pour confirmer que c’est une bonne planque, il y a un truc qui ne trompe pas : les élections européennes servent souvent à recaser des politiciens has-been (coucou Nadine Morano, coucou Brice Hortefeux) ou de ramener à la niche des militants un peu trop agités (coucou Édouard Martin, coucou José Bové). C’est fou comme un peu fric peut calmer des ardeurs révolutionnaires.
Léandre.
* Sondage Ipsus Soupra-Stério pour Le Dolafi.
** Pour être complet et honnête, lorsqu’un ancien député exerce un nouveau mandat ailleurs, le nouveau salaire est déduit de l’indemnité transitoire. Et l’indemnité transitoire n’est pas cumulable avec une pension de retraite ou d’invalidité : le député qui aurait droit aux deux doit choisir laquelle il souhaite recevoir.
À propos de l'auteur(e) :
Léandre
Néo-dolois radicalisé. Je dessine des personnages avec des gros yeux.
Dessinateur de presse
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