Santé

La chasse aux crabes

Publié le 09/07/2024 à 18:53 | Écrit par La Rédac' | Temps de lecture : 02m35s

Je vais encore saisir l’opportunité d’écrire dans ce journal pour raconter ma vie. Mais bon, c’est ça aussi le but d’avoir un p’tit papelard local, se faire croire qu’on a une âme d’écrivain et en profiter pour partager nos colères, nos joies, les pensées qui nous traversent au jour le jour et qui nous font réagir.

Si j’en reviens à l’objet de cet article, je voulais partager l’histoire de J. et une discussion que nous avons eu récemment. J. n’est pas bretonne, ni même originaire de Gironde, pourtant, elle chasse tous les jours les crabes. Et, contrairement à ce qu’on peut lire sur tous les sites touristiques, c’est loin d’être une partie de plaisir. En revanche, les qualificatifs de « aventure mémorable » et de « captivant » collent assez bien avec son vécu.

La dernière fois que j’ai vu J., elle est venue à un repas entre collègues de travail. Elle m’a raconté sa technique bien spécifique pour la chasse aux crabes. Elle n’enfile pas d’imper jaune et ne chausse pas de bottes en caoutchouc. Elle a rangé ses crochets, ses hameçons, ses filets et ses leurres pour utiliser les techniques du futur : les rayons laser et les pompes à transfusion. Effectivement, les crabes que J. chassent sont vicieux et adorent se cacher dans des endroits improbables. Après s’être lovés et enivrés au sein des glandes mammaires, ils se sont dits qu’ils allaient voir plus haut, dans la tour de contrôle, pour taper la discussion avec les autres bestioles, hippocampes et compagnie. C’est comme ça qu’au bout de 2 ans, J. s’est trouvée avec toute une compagnie de crustacés envahissante. Et c’est parti pour la fatigue, les nausées, la perte capillaire… Assez banal me direz-vous, le parcours classique avec une tu-meur.

Mais voilà, en plus de s’occuper d’un animal qu’elle n’a pas choisi, J. doit mener un autre combat de front. Celui avec l’établissement dans lequel elle travaille. Ce n’est pas la trahir que de dire que J. exerce dans une institution publique et qu’elle est en CDI (la chance !!!). Alors, où est le souci ?! Hé bien, J. a totalement zappé d’organiser les choses avec sa maladie. Je ne sais pas où elle avait fourré son agenda ce jour-là, mais elle s’est gourée de quelques années en posant son rendez-vous. Oui, parce que dans la fonction publique, si t’as pas trois années d’exercice, tu peux toujours ramer avant de bénéficier d’un Congé Grave Maladie (c’est comme l’ALD, mais ça permet peut-être de mieux supporter la pilule que d’utiliser un terme relatif aux vacances). Aujourd’hui, J. vit depuis plusieurs mois avec ses indemnités journalières (qui je vous le rappelle, représente 50 % de son salaire), et sans aucune compensation possible. Elle a remué ciel et mers, sollicité les assistantes sociales, interpellé la direction, mais les seules réponses obtenues ont été « il aurait mieux valu que vous soyez en CDD, au moins, vous auriez pu percevoir le chômage » ou encore « si vous aviez été fonctionnaire, ça aurait été différent… ».

Alors est-ce que vous pensez, comme le gouvernement actuel, que J. et les médecins qui prodiguent les soins abusent du système de santé ? Et que ça serait pas mal de faire des économies sur son dos ?! Bah oui, de toute façon, elle est foutue, alors, à quoi bon dépenser de l’argent. En plus, elle n’aurait pas dû paumer son agenda.

Alice.

 




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