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NFP, l’erreur de réclamer Matignon

Publié le 14/07/2024 à 12:36 | Écrit par Baptiste Longet | Temps de lecture : 04m11s

Nous n’avons pas gagné. La 5ème République n’est pas une course à qui arrivera le premier mais à qui peut imposer ses lois. Il n'y a aucun sens de prendre Matignon pour faire des demi-mesures acceptées par la Macronie, ou pour prendre des mesures qui mèneront à la censure du gouvernement. J’entends l’argument des décrets mais ce qu’un gouvernement a fait, un autre peut le défaire. Après la censure inévitable d’un gouvernement NFP dès que nous toucherons à des sujets qui réellement attaquent les problèmes et toucheront aux intérêts économiques, les décrets tomberont aussi. Nous ne ferons donc que décevoir encore plus les gens de la politique et alimenterons la logique dans laquelle nous sommes enfermés par un tir de barrage du Macro-Lepénisme : "la gauche n'est pas crédible". Nos adversaires se feront un devoir de nous pousser à alimenter nos propres turpitudes et se délecteront de nous voir nous empêtrer dans un gouvernement sans gouvernail et sans majorité.

Il faut acter la crise politique. Revendiquer son insolubilité. La 5ème était faite pour diriger un clivage gauche/droite. Pas un clivage entre nationalistes/libéraux/gauche. Elle n’est pas faite pour trancher entre trois camps. Et c’est tant mieux. Michéa avait peut-être raison trop tôt.

Saisissons l’opportunité de mettre cette constitution issue d’un coup d’Etat juridique, qui permet tous les coups de force pour permettre à un homme de gouverner seul, les 49-3, l’article 16... bref vous connaissez la chanson. Depuis 58, la gauche se bat contre mais s’en accommode à chaque fois qu’elle gagne les élections. Malheureusement il semble que le NFP a déjà adopté cette logique. On sent que d’un côté, le PS est prêt à jeter le programme à la poubelle devant les dorures des futurs bureaux qu’ils espèrent occuper par “sens des responsabilités”. De l’autre, la FI qui est prête à entretenir l’illusion que le programme pourrait être appliqué alors qu’elle veut seulement créer une situation où son gouvernement serait censuré pour alimenter une crise politique dont elle pense pouvoir bénéficier (alors que dans toute l’Europe c’est l’extrême droite qui gagne à la fin dans ces cas-là). Et les Verts et le PC attendent de voir de quel côté la pièce va tomber et tenter de gagner un maximum d’influence dans les deux situations.

La situation est inextricable et aucune solution n’est raisonnable. Sauf une qui commence à émerger chez certains intellectuels, commentateurs, acteurs sociaux... Le plan est simple :

Nous avons un an. Un an avant une potentielle nouvelle dissolution. Un an qui pourrait servir à une nouvelle Constituante.

Concrètement : 

- Un gouvernement technique est créé. Aucune réforme pendant un an, reconduction du budget à l’identique... Ça nous fera des vacances et ça montrera que le pays n’a pas besoin de ministres mais bien de travailleurs pour tourner. Ça n’a posé aucun problème en Belgique.

- Une Constituante est convoquée. On peut remercier Macron pour ça mais grâce à lui nous avons un modèle, peut-être pas parfait mais opérant aujourd’hui et ayant fait ses preuves, celui des conventions citoyennes (pour le climat et la fin de vie). Un modèle créé par Macron qui empêchera n’importe qui de gouverner comme Macron dans le futur, je trouve que ça ne manque pas de sel. Sur ce modèle la Constituante peut être convoquée dès demain et se mettre au travail rapidement. Elle aura un an d’auditions, de débat, de témoignages de l’étranger, d’historiens... Mais aussi des allers-retours permanent avec ce qui se dit dans le pays. Je vous garantis qu’à la fin n’importe quel tiré au sort aura un niveau doctorat en droit constitutionnel. Et on a vu avec la convention citoyenne pour le climat que le résultat ne manquera pas d’ambition.

- Dans un an, référendum sur le projet de Constitution. Si elle est acceptée c’est la fin de la crise politique. Le pays avance avec un nouveau système politique. Si elle est rejetée, nouvelle dissolution de l’Assemblée Nationale et on sort probablement d’une situation ingouvernable en restant dans la 4ème République. Il n’y a aucun blocage dans les deux options. 

Voilà une sortie par le haut. La plupart des crises politiques ont été résolues par des Constituantes ou des changements profond de l’utilisation de la Constitution existante dans notre histoire. Malheureusement il a fallu souvent forcer celui qui se croyait souverain à accepter ce principe. Ils ont souvent préféré être capitaine d’un bateau qui coule que de lâcher les commandes, au détriment de ceux qui sont dans la cale. Soyons prêts. C’est le cas de Macron évidemment. Ça pourrait être aussi le cas des leaders du NFP.

Quand vous entendrez ce sujet, cette mélodie qui commence à monter, interrogez-vous, étudiez les possibilités. Le mot Constitution est rebutant. Par nature. Il pourrait être notre salut. N’y soyez pas indifférents. 

Pour ma part je n’irai pas manifester pour un gouvernement NFP bancal. J’irai quand il s’agira de faire avancer la démocratie en mettant fin à ce système dont la situation actuelle est la preuve qu’il est à bout de souffle. Je pense même que c’est seulement si cette revendication arrive dans les rues qu’on pourra se prétendre être les dignes héritiers du Front Populaire car nous changerons réellement le pays. Sinon le NFP restera une alliance des gauches sans saveur, les mains liées par les menottes de la Macronie. Comme en 36, il est peut-être temps que le peuple impose sa volonté, même face à ceux qui se revendiquent de son camp.




À propos de l'auteur(e) :

Baptiste Longet

Issu du monde du Droit, destiné à rejoindre la masse des technocrates bruxellois "in", ma réflexion sur l'écologie, l'anthropologie et les institutions et les constats liés à mes 4 années de voyages me poussent vers un retour à la terre jurassienne et un activisme local.


Juriste en reconversion

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