Les Gilets jaunes de l’encyclopédie
Quand tu vois que c’est Le Point qui lance une pétition, tu te méfies ! Depuis 1997, l’hebdomadaire « appartient en totalité à l'industriel François Pinault, via sa holding Artémis. Associé historiquement à un lectorat de cadres, le journal est traditionnellement classé à droite et, depuis les années 2010, sa ligne éditoriale au niveau politique fait l'objet de critiques virulentes et de nombreuses controverses ». Quand tu as lu ça sur Wikipédia, tu comprends pourquoi la pétition s’attaque à… Wikipédia justement. Ça vaut le détour. Mais penchons-nous sur le texte de cette appel à signatures : « Nous, signataires de cet appel, exprimons notre profonde inquiétude face aux campagnes de dénigrement systématiques et sans contradicteurs orchestrées par des contributeurs militants anonymes sur Wikipédia. Cette situation révèle une dérive préoccupante et un dévoiement du projet encyclopédique, pensé à son origine comme un outil de connaissance libre et impartial. Un projet dont l'ambition initiale est d'utilité publique. Aujourd'hui, de nombreuses entreprises, personnalités publiques et organisations font l'objet de traitements infamants sur cette plateforme. Nombreux sont ceux qui assistent impuissants à des cabales organisées par des contributeurs militants qui détournent les outils mis à leur disposition pour favoriser les modifications malveillantes. Propos décontextualisés, lecture partisane des faits, volonté d'entacher les réputations… La démultiplication de ces cas constitue une menace sérieuse pour l'intégrité de l'information, la qualité du débat public et de la démocratie. » On vous laisse vous reporter au chapitre « Condamnations » de la fiche Wikipédia du Point pour comprendre ce cri du coeur, ou plutôt du choeur. La pétition se termine ainsi : « Nous appelons : - La Fondation Wikimédia à établir des garde-fous beaucoup plus efficaces contre les détournements idéologiques de l’encyclopédie - Les contributeurs de Wikipédia à restaurer neutralité et rigueur sur les pages - Les journalistes et intellectuels à défendre collectivement l'intégrité du débat public, au-delà des clivages politiques - Tous les citoyens attachés à une information libre et responsable à nous rejoindre. L'enjeu est celui de l'intégrité de la qualité de la connaissance, de l'information et du débat démocratique. » L’information libre et responsable ? Allons donc voir les noms sur la liste. On y trouve pèle mêle : Sophia Aram (humoriste?), Thierry Ardisson (producteur de télévision), Jean-Michel Blanquer (président du Laboratoire de la République, ancien ministre de l’Éducation), Agnès Buzyn (médecin, ancienne ministre de la Santé), Daniel Cohn-Bendit (ancien député européen), François de Rugy (ancien président de l'Assemblée nationale), Éric Dupond-Moretti (ancien garde des Sceaux), Ruth Elkrief (journaliste?), Caroline Fourest (réalisatrice et directrice de Franc-Tireur), Bernard-Henri Lévy (philosophe?) , essayiste), Gaspard Koenig (essayiste), Rudy Reichstadt (fondateur de Conspiracy Watch), Philippe Val (ancien directeur de publication de France Inter et Charlie Hebdo)… La crème de la tarte ! J’imagine que toute la bien-pensance signera d’ici huit jours. Et que reproche-t-on exactement à Wikipédia? Exactement ce qu’on reproche à X. Tant que la parole sort de la plume des « sources autorisées », tout va bien. Mais dès que les Gilets jaunes se mêlent de savoir encyclopédique, alors là, rien ne va plus. Là, tout de suite, je vais renouveler mon écot à Wikipédia… vu qu’on m’y trouve à la rubrique Théorie de la médiation, le dernier lien tout en bas, Anthroquiches : voilà un gage d’information de qualité.
Sinon, voici un article déjà paru sur le même thème il y a quatre ans dans Libres Commères qui n'a pas encore sa page Wikipédia. On se demande ce que vous attendez.

À propos de l'auteur(e) :
Christophe Martin
Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.