Mode sombre

Si vous n’avez qu’une seule chose à faire aujourd’hui en dehors des milliards de tout ce qui vous reste à accomplir, filez sur Radio Bip.  Hier soir, vendredi donc, Laurent Thines, un chirurgien du CHU de Besançon, Minjoz pour les intimes, a accordé une longue interview sur la crise du corona qu’il est en train de vivre en première ligne. Ceux qui s’intéressent à la situation de l’hôpital public français depuis bien avant le clap de 20h00 ( je ne critique pas le clap de 20h00, bien au contraire: il évite aux gens de regarder les infos de la télé ), ceux-là connaissent Laurent Thines. Il avait organisé et participé à une manifestation contre l’usage des LBD à Besançon et on avait joué le jeu devant les caméras pour faire comprendre la dangerosité de ces tromblons.  

Il avait fait un discours très émouvant (il était ému lui-même) et on était au bord des larmes dans nos accoutrements de faux-blessés. C’est Toutoune, le brancardier de l’hôpital Pasteur, qui nous avait entrainés, Baptiste et moi, dans cette manif de Gilets jaunes qui s’était terminée sous la pluie et sous tension devant la prison de Besac.

Laurent Thines tire depuis longtemps la sonnette d’alarme. On ne l’a manifestement pas écouté en haut lieu. Le 19 mars, dans Médiapart, il a fait paraitre une longue lettre ( assez lyrique car il a parfois l’âme d’un poète comme quoi, il n’y a pas que M.A.S.H. dans la vie ) qui glace les sangs.

Je ne vais pas vous résumer tout ce que dit ce neurochirurgien: trouvez le temps, vous en gagnerez avec lui. En dehors du factuel, des histoires de masques, de lits et de matos manquants, j’aimerais souligner l’incroyable sang-froid et le courage de ce praticien. Ô, je ne vais pas en faire en tonnes! Je n’aime pas jouer avec l’émotion. Mais, y a du grand homme dans ce toubib ! Quand on entend à côté les pitres du gouvernement, on sait qu’il faudra être derrière tous ces lanceurs d’alerte du milieu médical ( et d’ailleurs ) pour l’après-corona, au moment où on pourra tous se retrouver à l’air libre pour demander des comptes à ceux qui dirigent nos institutions. Il y a eu de la haute-trahison et il faudra que toute la macronie s’explique.

L’heure n’est pas à la polémique comme le disent ceux qui de toutes façons se couchent devant le pouvoir quand ils ne le servent pas par intérêt personnel. L’heure est au soutien des soignants et à l’accumulation des colères. Quand Laurent Thines ( et tous ceux qui savent combien une administration aveugle peut nuire) aura récupéré de cette épreuve, il faudra qu’on soit tous avec lui pour demander des comptes, pas uniquement des moyens, mais des comptes. Buzyn, Véran, Philippe, Darmanin, Le Maire, Pénicaud, Macron, Hollande, Valls, Sarkozy, Giscard et même Delors… il faudra qu’ils répondent de toute cette incompétence mercantile et de cette complicité dans le désastre actuel.

Pour l’instant, le gouvernement ne fléchit pas dans la destruction de notre système social. Sa propagande est à la fois anxiogène et lénifiante pour qu’on la ferme alors qu’il prépare déjà des coups foireux et encore plus dégueulasses pour l’après-corona. Les discours de Macron sont fourbes, malhonnêtes et mensongers. Il y a de la psychopathie dans cet homme : il est fondamentalement amoral. La parole d’hier ne l’engage en rien. « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient », m’avait dit il y a quelques années le député Jean-Marie Sermier.

Je suis confiné parce que des praticiens comme Laurent Thines me le demandent. Pas parce que Castaner et ses sbires nous menacent. Et parce que je n’ai pas envie de me retrouver en garde-à-vue avec des flics sans gants ni masques qui vont me tripoter le passeport parce que je voulais m'assurer que le printemps s’est définitivement installé.

Je vois déjà comment dans la formation, les bureaucrates qui nous dirigent reprennent la main après une semaine de débrouille sur le terrain du web. 

« Dans cette situation nous nous rendons compte plus que jamais, de l’importance de la maitrise des outils numériques, nous prenons toute la mesure du programme de formation C2i2e et de notre volonté de devenir Pôle Formation 4.0 » Et de demander des rapports d’activité, des dépôts de documents dans le drive de Google et tout le barnum de la paperasse qui ne sert à rien sinon à nous fliquer. Ils envisagent déjà de se passer de nous et de confier à des opérateurs moins diplômés le soin de faire tourner la boutique pédagogique. Ils l’ont fait dans les usines. Ils le feront dans l’enseignement comme ils le font pour le soin médical.

Les technocrates qui nous dirigent sont déjà dans l’après-corona. Ils nous laissent gérer l’urgence du présent mais ils ont déjà un oeil sur l’avenir et sa planification. J’en veux pour exemple les attaques toutes récentes contre le droit du travail. La crise sanitaire est un laboratoire grandeur nature pour le pouvoir et la technologie qui le sert. Les bourgeois ont aussi du temps pour réfléchir et comme pour eux, le temps, c’est de l’argent. La Bourse n’a même pas attendu l’annonce du confinement.

Imaginez ! Une assignation à résidence librement consentie par la population et appliquée à tout le pays. Mieux ! Réclamée par l’opinion publique. Même Aldous Huxley n’aurait pas rêvé d’un « meilleur » champ d’expérience. La macronie a jugulé la rue avec un virus: c’est à croire qu’ils l’ont fait exprès… Si j’étais complotiste… mais non ! On ne pouvait pas prévoir que des enfants du bon dieu de l’église évangélique et des militaires de retour de Chine allaient propager le virus. Mais non ! Allez !

N’empêche qu’il va falloir redoubler de vigilance. J’ai une petite pensée pour tous ceux qui ont à prendre soin de leurs gamins. Ça ne laisse pas forcément l’esprit libre pour beaucoup de choses. Laurent Thines, sur la fin de l’interview, propose un peu comme Macron mais de manière moins pompeuse, de s’interroger sur le sens de la vie pendant qu’on est calfeutré. Soit ! Méditons ! Méditons… Mais moi, c’est pas mon truc ! Je fais dans la colère canalisée pour ne pas exploser ! j’avais enfin trouver un sens à ma vie justement dans l’action collective pour le bien commun et voilà que le corona m’oblige à rester docilement chez moi !

Mais il est hors de question que je me calme. Ce soir à 21h00, je serai à l’appel des Gilets jaunes avec ma casserole à ma fenêtre. Et puis, je prépare la suite car il y en aura une dans deux mois, peut-être trois. Va pas falloir se laisser endormir et surtout ne pas compter sur ceux qui nous ont mis dans cette merde pour tirer les conséquences de leur inconséquence. On sortira les coupables de leurs bureaux et ils répondront de leurs actes devant des tribunaux populaires. La peine maximale sera une vie de confinement dans un 50 m2 avec un SMIC qu’on aura tout de même sérieusement rehaussé, un droit à la dignité et des opportunités d’amendement. On n’est pas des sauvages tout de même ! Haut les coeurs ! Restons vigilants et combattifs ! Que notre force collective soit avec nos soignants !


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À propos de l'auteur(e) :

Christophe Martin

Passionné de sciences humaines mais d'origine bretonne, je mets mes études en anthropologie et mon humour situationniste au service de mon action politique et sociale.


Formateur dans l'industrie et pigiste au Progrès

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